J’ai le poids sur la conscience (partie 1 de 2)

Catégorie: Perte de poids

26 juillet 2013

Parler de poids (pas le poids qu’on lève au gym, celui qui nous obsède, sur la balance…) n’est pas sans conséquence. Je vais vous faire une confidence. J’ai envie de me confier à vous après ma lecture du livre de Josée Guérin, une collègue nutritionniste : « Miroir, miroir, tu me fais souffrir » paru aux éditions Québec Livres. C’est la première fois que j’en parle en public. Et j’aimerais beaucoup que mon expérience personnelle vous fasse réfléchir, en tant que parent, professionnel de la santé, ami, grand-parent, collègue de travail… 

Lorsque j’étais petite, je n’allais pas à la garderie. Mamie et Gaston habitaient chez moi, au sous-sol. C’est donc le sourire fendu aux lèvres que je descendais tous les matins rejoindre mes « deuxième » parents. Gaston m’attendait en faisant ses exercices d’étirement du matin. Mamie se levait, mal peignée, honteuse de ne pas être à son meilleur (l’apparence était très importante pour Mamie). Il était à peine 9h00, j’avais déjà accès à mon petit pot de Golden Buds (rosettes au chocolat) et à mon Coca-Cola. La journée ne faisait que commencer. S’en suivaient les biscuits Fudgee-O double chocolat au midi et le gâteau aux carottes au dessert du souper. En soirée, il m’arrivait de redescendre voir Mamie et Gaston lorsqu’ils regardaient The Wheel of Fortune. Mamie m’amenait en cachette dans sa chambre et m’offrait des chocolats Pots of Gold (rien de pire…) : « Chut ! C’est un secret, ne le dis pas à ta mère ». Inutile de vous dire que plus tard, le chocolat est devenu pour moi un interdit…

C’est à l’âge de huit ans que je suis allée chez le pédiatre, de routine. Je me souviens exactement l’ambiance dans son bureau : la blancheur des murs, l’odeur de son sarrau blanc trop lavé, ses lunettes épaisses, noirs et hideuses qui lui donnaient un air sévère…  À peine trois minutes après être entrée dans le bureau, docteur X (pour ne pas le nommer) me dit : « 80 lbs. C’est trop. Tu vas être grosse. Il faut faire attention. Son poids est trop élevé. » Pauvre papa… Il devait être mal à l’aise, il ne savait trop quoi lui dire, à ce stupide pédiatre qui me réprimandait d’être en surpoids. 

Arrivée à la maison, je pleurais. À chaudes larmes. Je hurlais de douleur. Maman était troublée. Elle aurait giflé le pédiatre si elle avait été présente avec nous. Ne sachant trop quoi faire, elle s’est empressée de me montrer une balance. Elle m’a mise dessus (probablement en ajustant la roulette…) pour me montrer que je pesais moins et que je n’avais pas à m’en faire avec ça. Mais il était trop tard, cet instant chez le foutu pédiatre fût suffisant pour que mon apparence corporelle et mon poids devienne la base de mon acceptation et de mon estime de moi.

Je déteste parler de poids. J’en parle, et je ressens encore cette rage en moi envers le pédiatre. Mais toute ma vie, j’étais entourée d’une grand-mère qui valorisait les aliments non-nutritifs, et d’une mère qui avait peine à aimer son corps en se regardant dans le miroir. « Suis-je belle dans cette robe ? Ai-je l’air grosse ? » me disait-elle. Sérieusement, ma mère aurait pu avoir les cheveux verts, les yeux rouges et la peau orange, je l’aurais toujours trouvée aussi magnifique. 

C’est ainsi que je me suis affirmée. J’ai décidé que j’allais prendre mon poids en mains. Dès le secondaire, il m’arrivait de recracher des aliments dans un Kleenex au lieu de les manger. J’aimais trop goûter le chocolat, mais je savais qu’il ne fallait pas en manger. Je suis même allée jusqu’à jeûner, pendant une journée, et à manger du pamplemousse, pour essayer de perdre du poids. J’avais 13 ans. Sérieusement, pensez-y, ça ne fait aucun sens. 

C’est le début d’une réflexion de deux parties qui vise à vous faire prendre conscience que de simples gestes ou paroles à l’égard du poids peuvent avoir de grands impacts dans la vie d’un enfant. Je ne vous compte pas de mensonges, ici. Je ne suis jamais tombée dans l’anorexie, ni la boulimie, mais j’aurais pu… Mais une chose est restée, et elle ne partira jamais : je déteste parler de poids. Ça me fait de la peine. Lorsque j’entends des proches se préoccuper de leur poids, j’ai envie de les convaincre : « Crois-moi, ce n’est pas en focussant sur ton poids que tu vas trouver le bonheur ». J’ai envie de pleurer avec eux. Car moi, mon poids, il m’a gâché une partie de ma liberté, de ma naïveté d’enfant. Et même une grande partie de ma vie… Si vous croyez qu’une personne qui ne présente pas de surpoids est automatiquement heureuse, détrompez-vous. Car on peut devenir très obsédé et malheureux même dans un poids « santé » (je reviendrai sur ce concept dépassé dans un prochain billet).

Selon vous, qu’aurait pu faire le pédiatre pour m’aider ? Qu’est-ce que ma mère aurait pu faire pour remédier à la situation avec ma grand-mère ? J’attends vos pistes de réflexion…